Quand on parle de fertilisation artificielle beaucoup de personnes se disent « et pourquoi pas ? ». Pourquoi ne faudrait-il pas apporter des nutriments à la vigne, alors qu’on la pousse autant à produire ?
Bien, déjà il faudrait avoir la conscience que quand on produit 120 hL/ha (et bien plus chez certains !) on est en train de pousser la vigne à une surproduction. Et non seulement, cette production n’aura pas la qualité d’une vigne qui produit entre 35 et 50 hL/ha, surtout si on produit du vin rouge (quantité et type des composés phénoliques produits par la vigne), mais en plus elle impactera la durée de vie des vignes de façon négative.
Une personne qui travaille 15 heures par jour ne sera pas fatiguée de la même façon qu’une personne qui travaille 7 heures par jour. Et laquelle, selon vous, sera plus sujette à des maladies ?
Tout le monde mange des légumes, des fruits et d’autres aliments qui contiennent des antioxydants, des vitamines, les « amines de la vie », sans lesquelles nous serions faibles et vulnérables. L’apport de ces substances dans notre organisme intervient à travers l’ingestion d’aliments qui en sont riches. Un jus d’orange qui vient d’être pressé contient plein de vitamine C, d’hespéridine (composé phénolique liée à la réduction de croissance tumorale et à la stimulation de l’apoptose), de folates et de vitamine A (entre autres).
Est-ce que vous iriez substituer tous les aliments qui nous soutiennent avec un paquet de vitamines acheté en pharmacie ? Et en plus, est-ce que ça conviendrait au niveau du portefeuille ?
Deuxième problème : la vigne n’a ni jambe, ni portefeuille. Quand nous aurons un problème et que nous ne pourrons pas faire ces traitements ou si nous ne pouvons pas soutenir le coût de la fertilisation, comment sera la récolte ?
De jouer à être Dieu, en donnant quand on veut, tout ce que la vigne nécessite et en lui enlevant la possibilité de se le procurer toute seule, on court le risque d’avoir des plantes qui ne sont pas autosuffisantes.
C’est pour ces raisons, et beaucoup d’autres aussi, que nous tenons à faire le point sur l’enherbement sélectionné. Ce qui sert à la vigne est un écosystème complet. Déjà, la vigne, qui anciennement était cultivée en pluriculture a perdu ses soutiens vivants, mais en plus, elle a perdu un écosystème racinaire plein de microbiote et symbiote qui soutiennent la vie dans le sol et sous-sol. Un sol nu, vu les chaleurs croissantes de nos étés, cause bien trop d’évaporation d’eau (pour ne pas parler de l’érosion du sol). En pratiquant un enherbement sélectionné sur la base des données analytiques sur la pédologie de la parcelle, nous sommes capables enfin de redonner à la vigne un écosystème de plantes qui se gère seule ou presque.
Un enherbement qui ne vise qu’à donner de l’azote (légumineuses) est un enherbement déséquilibré. La vigne n’a pas besoin que d’azote. D’ailleurs, un excès de vigueur entraine un retard de maturation et un mauvais aoûtement, ce qui fragilisera la vigne pour l’hiver et la reprise au printemps, et la rend plus sensible aux maladies. Tandis qu’un mélange de plusieurs espèces de plantes pourront apporter d’autres éléments nécessaires à la vigne, l’aération du sol pour la vie des micoorganismes, la lutte contre l’érosion du sol, la réduction de l’évaporation de l’eau… Seulement en sélectionnant des semences à planter entre les rangs, sur la base de notre sol et de sa disponibilité en micro- et macroéléments on peut être sûr de fournir à la vigne un pool d’éléments prêts à être absorbés, une fois l’apparat racinaire développé suffisamment.