Comme nous le rappelle le grand œnologue des vins sans sulfites Arnaud Immélé, dans l’éditorial de la Revue des Œnologues n°173 S, les sulfites n’ont pas participé à la fondation de la vigne et du vin. Et oui, parce que, d’il y a 6000 ans jusqu’à l’antiquité, la vigne et le vin n’ont jamais connu de soufre. Il faut dire que le vin ne rentrait en contact qu’avec de la pierre, comme témoignent les palmenti en Calabre, Sicile et Puglia.
Les palmenti sont des roches qui se trouvaient aux bords des parcelles, creusées à l’intérieur pour former des cuves, des fois superposées, pour vinifier, et décuver ensuite par gravité puis le vin subissait un élevage en amphore. Depuis ce temps, à cause de l’abandon des amphores pour un contentant plus pratique pour le commerce (la barrique), l’ajout de SO2 devient systématique dans le vin, on l’appelle « l’âge du bois ».
Mais les sulfites, que sont-ils en fait ?
La formule chimique SO2 désigne les différentes formes du dioxyde de soufre. En chimie, on l’appelle également anhydride sulfureux. Les sulfites sont employés dans presque toute la chaîne agroalimentaire comme produit de conservation sous différents sigles E220 (anhydride sulfureux), E221 (sulfite de sodium) , E222 (bisulfite de sodium), E223 (métabisulfite de sodium), E224 (métabisulfite de potassium), E225 (sulfite de potassium), E226 (sulfite de calcium), E227 (bisulfite de calcium), E228 (bisulfite de potassium). Au moins, dans le vin, on dit clair et net qu’ils contiennent des sulfites. Bref.
La DL50 de l’anhydride sulfureux, c’est-à-dire la dose létale pour 50 % des animaux testés, est autour de 600 mg/kg de poids corporel.
C’est clair que ces composés n’améliorent pas notre santé.
Mais pourquoi donc ne pas s’en passer ? Simple : aujourd’hui il n’existe pas une molécule avec autant de propriétés. En fait, l’SO2 est un antioxydant (contre l’oxydation ménagée par l’oxygène et les métaux lourds comme le fer), un antioxydasique (contre l’oxydation enzymatique) et un antiseptique (contre les levures et les bactéries). Toutes ces propriétés dans une petite et économique molécule, dans un monde qui demande d’uniformiser le goût de nos vins pour une plus facile commercialisation. Alors oui, ces molécules sont des allergènes pour certains, oui elles peuvent avoir des effets négatifs sur la santé comme des maux de tête, des nausées etc., mais il faut rappeler que peu de personnes sont vraiment allergiques. Il s’agit plutôt de sensibilité aux hautes doses de sulfites qu’on peut retrouver encore aujourd’hui dans certains vins.
De plus, dans le vin, l’absence de sulfites est pratiquement impossible, vu que les levures en produisent en tant que sous-produits, à partir des sulfates (SO42-), afin de se procurer des acides aminés soufrés comme la cystéine et la méthionine, essentiels pour leur vie. Donc on ne peut pas savoir, surtout en pratiquant des fermentations spontanées avec des levures apiculées, de combien sera la teneur en sulfites produits par les levures pendant la fermentation alcoolique. Dans certaines conditions, le dioxyde de soufre peut être synthétisé en excès puis être excrété dans le moût pendant la fermentation alcoolique. La production de sulfites par les levures peut aller de quelques mg/L à plus de 80 mg/L selon la souche de levure et les conditions de fermentation.
D’autre part, les sulfites sont aussi des précurseurs de la synthèse du sulfure (sulfure d’hydrogène de formule H2S), sous-produit extrêmement indésirable causant le défaut de réduction.
Attention donc à ne pas généraliser, ce n’est pas parce qu’un vin contient des sulfites, qu’il n’est pas bon. Et vice versa, un vin sans sulfites n’est pas toujours mieux qu’un vin avec les sulfites.
Si aujourd’hui on choisit de produire et/ou d’acheter des vins sans sulfites ajoutés, c’est pour leur goût unique et leur style et il faut impérativement garder à l’esprit que les bons vinificateurs vinifient des vins quand même extraordinaires avec un contenu réduit en sulfites depuis plus de 2000 ans. Il faudrait juste empêcher l’utilisation excessive d’SO2, à travers une règlementation plus stricte et surtout plus de contrôles. En matières de sulfites, tout est question de raison. Faire la guerre aux vins avec sulfites reviendrait, sans hypocrisie, à vouloir aussi se passer des crevettes, des crustacés, des fruits secs, du vinaigre, du cidre, de la bière, des produits à base de viande, du jambon blanc, des hotdogs, des hamburgers etc. !